La migration en Italie : Une urgence permanente ?

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Le mois dernier, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a révélé qu’en l’espace de quatre jours seulement, la marine italienne avait secouru quelque 6000 migrants sans papiers qui tentaient d’atteindre les côtes italiennes.

«  Depuis que les autorités italiennes ont mis en place l’opération de sauvetage Mare Nostrum en octobre 2013, suite aux naufrages tragiques au cours desquels quelque 600 personnes ont trouvé la mort, plus de 20.000 personnes ont été secourues en mer  », selon le communiqué de presse du HCR.

Parmi ces personnes, il y avait notamment des femmes et des enfants originaires de la Syrie, de l’Érythrée, de la Somalie, du Nigéria, de la Gambie, du Mali et du Sénégal, qui avaient pris la mer depuis les côtes libyennes à bord d’embarcations surchargées.

Ces sauvetages mettent en exergue l’augmentation marquée du nombre de migrants qui sont prêts à risquer leur vie en mer dans l’espoir d’atteindre l’Europe pour échapper à la guerre, la persécution et la pauvreté.

Rien qu’au cours du premier trimestre de 2014, environ 18.000 personnes sont arrivées en Italie par la mer, comparé à 43.000 pour toute l’année 2013.

D’après le ministre de l’Intérieur italien Angelino Alfano, entre 300.000 et 600.000 autres seraient en train d’attendre sur les côtes libyennes pour entreprendre la périlleuse traversée vers l’Europe.

Toutefois, dans un pays qui reste sous le coup de la crise économique, le coût de l’Opération ‘Mare Nostrum’, estimé à 9 millions d’euros (12,5 millions USD), suscite des critiques croissantes à l’approche des élections européennes, notamment de la part des partis de droite.

À leurs yeux, l’opération – une mission militaire et humanitaire qui prévoit des patrouilles maritimes dans le Canal de Sicile, la distribution de nourriture et de vêtements et des examens médicaux pour les migrants secourus – incitera d’autres personnes à entreprendre la traversée.

Les organisations issues de la société civile ne sont, toutefois, pas du même avis.

Dans une interview avec Redattore Sociale, Christopher Hein, directeur du Conseil italien pour les réfugiés a défendu l’importance de l’Opération Mare Nostrum en soulignant que pas un seul naufrage n’était survenu au cours des six derniers mois – une première depuis 1998.

 

Un plan d’urgence après l’autre

Indépendamment du débat en cours, le nombre de migrants qui arrivent en Italie par la mer est proche de celui de 2011, au lendemain du Printemps arabe.

Le gouvernement italien avait alors été prompt à mettre sur pied le Plan d’urgence nord-africain, maintenu jusqu’en février 2013, et a accueilli approximativement 28.000 réfugiés, soit une très petite proportion des plus de 900.000 personnes qui ont fui la Libye uniquement.

Mais au lieu de mettre sur pied et de coordonner un dispositif d’accueil de bon aloi, l’Italie a démontré son incapacité à gérer les flux migratoires et titube d’une urgence à l’autre.

Les fonds investis ont produit peu de résultats et ont manqué de se matérialiser sous forme d’un programme d’assistance cohérent et structuré, basé sur l’intégration par le travail et le logement.

Le Conseil de l’Europe, lui-même, a qualifié les mesures prises par l’Italie d’«  erronées et contreproductives ».

La nature improvisée des centres d’accueil en Italie, qui sont fermés et rouverts en l’absence de tout plan de gestion concret, l’absence d’un dispositif national pour la protection des mineurs non accompagnés et le fait que les centres soient bondés et dépourvus de personnels compétents sont autant d’éléments qui appuient cet argument.

Alessandra Sciurba, chercheuse sur la migration et la pauvreté à l’Université de Palerme a déclaré à Equal Times : « Il s’agit d’une méthode de gestion qui permet le recours aux fonds de l’Union européenne. Nous parlons constamment de l’absence d’une structure d’accueil en Italie ; c’est un gaspillage irrationnel de ressources humaines. »

 

Les travailleurs de Rosarno

Pour les migrants qui restent en Italie, la « maison » se résume souvent à un abri de fortune conçu à l’aide de planches en bois et de bâches en plastique.

Pour survivre, la plupart d’entre eux n’ont d’autre choix que de travailler dans l’agriculture, comme à Rosarno, ville du sud de l’Italie, près de la côte calabraise, qui a fait la une de la presse internationale en 2010 quand des émeutes ont vu des centaines de migrants se révolter contre les conditions de travail abusives et l’exploitation dont ils faisaient l’objet.

Chaque année, près de 2000 migrants sont employés dans le marché noir de Rosarno : La récolte des agrumes.

Hassan Mamadudja, 35 ans, de Mauritanie, a travaillé à Rosarno durant trois mois, à raison de trois jours par semaine, pour un salaire moyen de 25 euros (34 USD) par jour.

Il fait partie des 28.000 migrants arrivés en Italie en 2011 et accueillis dans le cadre du Plan d’urgence nord-africain.

Maintenant que la saison a touché à sa fin, Hassan est parti pour le nord à la recherche d’un emploi. Lors de son séjour dans un centre d’accueil dans la ville de Vérone, dans le nord de l’Italie, il s’est retrouvé dans exactement la même situation que trois années plus tôt : À la recherche d’un emploi sans avoir de vrai logement.

« Ils nous exploitaient à Rosarno. J’avais l’impression de me retrouver en Libye durant la guerre, quand nous nous cachions  », Hassan confie à Equal Times.

Les abus auxquels sont soumis les travailleurs migrants sont amplement documentés : En règle générale, ils n’ont pas de contrats légaux, sont soumis à des heures de travail excessives, à des traitements dégradants et sont logés dans des endroits dépourvus de conditions minimales comme l’électricité, l’eau et les soins de santé.

« Dans de telles conditions, les maladies se propagent rapidement », indique Alberto Barbiere, coordinateur général de Medici per i Diritti Umani (Médecins pour les droits humains, MDH).

Or selon les données publiées par cette organisation de médecins indépendante, 70 % de ces travailleurs migrants disposent d’un permis de séjour en règle et près de la moitié d’entre eux ont obtenu un permis de séjour au titre de la protection internationale ou pour des motifs humanitaires.

MDH a condamné la situation et demandé au nouveau gouvernement de déployer les ressources nécessaires pour combattre l’exploitation des travailleurs migrants dans le secteur agricole en Italie.

Pour Marco Miccoli du Partito Democratico : « Une intervention réglementaire accompagnée d’un mouvement politique et culturel est indispensable ; C’est en cela que consiste l’effort. »

Le Fonds pour l’asile, la migration et l’intégration (FAMI) voté par le Parlement européen en mars a mobilisé un budget total de 3,1 milliards USD pour la période 2014-2020.

L’Italie est le deuxième bénéficiaire de ce fonds. « À présent, il revient au gouvernement italien d’assumer la responsabilité de construire un système efficace pour l’intégration des migrants et des demandeurs d’asile », selon l’instance européenne.

Cet article a été traduit de l'anglais.